DOn't know if anybody speaks French around here but here is the review published in issue #49 Crossroads of French music mag Crossroads.
ELLIS PAUL ****
Essentials (2 CD)
BlackWolf/Philo, Import
Crème de la crème du songwriting, côté Boston
www.ellispaul.com
Déjà 18 ans de carrière et une douzaine d’albums à son actif pour Paul Plissey, alias Ellis Paul. Ce double-album édité par Philo, sous-label de Rounder, tombe à pic pour faire le point sur la carrière du gamin de Presqu’Ile, Maine : 34 morceaux répartis sur 2 galettes, issus de 8 albums, dont cinq nouvelles versions de chansons déjà publiées, quatre live inédits et deux nouveautés en studio. Je sais, on est encore à des années lumière du générique d’Astérix et Cléopâtre !
Les fans (il y en a en France, même si je n’ai pas souvenir d’avoir lu beaucoup d’articles sur Ellis par ici…) apprécieront évidemment tout ce qui fait le sel de cette compilation : les relectures de chansons déjà connues, les titres « live » et les inédits. Commençons par les chansons réenregistrées, toutes récentes : « Home » est la première chanson jamais écrite au piano par Ellis et initialement enregistrée pour American Jukebox Fables, son dernier album en date (2005). « If You Break Down », « Words », et « Maria’s Beautiful Mess » tous trois tirés de Speed of the Trees en 2002, cette dernière étant ici enregistrée live en studio. La cinquième chanson revisitée est « Jukebox on my Grave », à la fois épitaphe et ADN musical d’Ellis. Cette version toute simple, enregistrée dans la cuisine, confirme que des arrangements trop riches peuvent tuer une chanson. Les morceaux live inédits me semblent davantage intéressants : « Snow in Austin », comme son titre l’indique, est une chanson d’hiver, écrite pendant un trajet de quatre heures entre Austin et Houston, stylo à la main et calepin scotché au volant. Deux guitares acoustiques et un piano accompagnent le p’tit gars de Nouvelle Angleterre paumé dans un Texas enneigé où les cactus se déguisent en sapins de Noël, les armadillos jonchent les bas-côtés le ventre en l’air et les bonhommes de neige tiennent leur balai comme une guitare ! Les autres bonus live sont « She Was » co-écrite avec Slaid Cleaves et Jeff Plankenhorn et enregistrée comme « Snow in Austin » avec Don Conoscenti à la guitare et Radislov Lorkovich au piano. « Speed of Trees » live en solo démontre combien Ellis, sa voix et sa guitare savent créer un univers unique, un monde à part qui entraînent le spectateur ailleurs. Ce que confirme « God’s Promise », dont les paroles ont été écrites par Woody Guthrie. Norah Guthrie, administratrice du fonds paternel, a proposé à plusieurs songwriters de choisir dans un recueil de textes inédits celui qu’ils souhaiteraient mettre en musique. C’est grâce à ce type de démarche que le folk reste bien vivant aux États-Unis, de génération en génération. « Did Galileo Pray », l’un de morceaux préférés du public d’Ellis, est également live, mais dans la version du double album sorti en 2000.
Les nouveautés, enfin : sur un rythme roulant, la vitre baissée, le coude à la portière, « Welcome Home To Maine » est une chanson presqu’officielle, puisque commanditée par le gouverneur de l’état (ça n’a rien à voir, mais j’ai vu que sur les grands panneaux postés sur le bord des highways, le Connecticut accueille ses visiteurs en s’excusant d’être l’état de naissance du « Texan » George W. Bush… Les états non plus ne choisissent pas leur famille). Résidant désormais en Virginie, Ellis n’a semble-t-il eu aucun mal à imaginer le paysage de son Maine natal, ses petites routes, ses champs de pommes de terre et sa côte à homards. « If She's The One », elle aussi écrite en voiture (c’est une habitude, on dirait !), est un exemple type de la rencontre sonore entre l’apport folk d’Ellis et l’univers électrique et « produit » de son comparse Flyn. Grâce à Internet, on peut écouter des choses fabuleuses à la radio et en entendant des versions « à l’os » des titres les plus récents, on mesure sans problème la qualité des compositions.
Comme souvent dans ce genre d’exercice, ce sont les titres les plus contemporains qui se taillent la part du lion aux dépens des premiers albums (que je vous recommande chaudement, c’est de saison). Six titres seulement pour Say Something (un « Conversations with a Ghost » magique, avec le regretté Johnny Cunningham au violon et Patty Griffin aux harmonies), Stories (« All Things Being The Same, « Autobiography of a Pistol » et « Paris in a Day », snapshot en 4 minutes d’une journée à Paris) et A Carnival of Voices (bon choix avec « Deliver Me » et Midnight Strikes Too Soon ») contre quatre extraits pour Translucent Soul (1998) sans conteste un très bel album, quatre également — et c’est plus surprenant — pour Sweet Mistakes (2002) et trois pour American Jukebox Fables. Je n’ai pas fait le total, mais on doit pas être loin du compte avec « The Only Way » gravé sur Side of the Road en 2003 et que son auteur, Mark Erelli, vient d’enregistrer sur son dernier album Hope and Other Casualties (lire la chronique dans le dernier numéro).
Vous l’aurez compris, Ellis Paul compte depuis une dizaine d’années parmi mes songwriters et interprètes préférés grâce à une vraie marque de fabrique, loin des trois accords réglementaires et du pont syndical en mineur, à des mélodies qui surprennent toujours par leur originalité, à un jeu de guitare facilement reconnaissable (sa guitare highstrung sur « Did Galileo Pray », par exemple) et à une voix fine, parfois haute perchée mais jamais crispante (qui a parlé de Jimmie Dale Gilmore ? On n’est pas à Lubbock, bon sang !). Vous en conviendrez, cela fait tout de même pas mal d’atouts dans la manche de ce digne représentant d’une génération qui commence à s’imposer sur un terrain sacrément miné, balisé d’un côté par les songwriters « historiques » qui, à l’image des vieux bluesmen, n’entendent pas lâcher le mojo, pardon, le morceau (ce dont personne ne les blâmera) et, de l’autre, les jeunes pousses dont les premiers albums peuvent être de vraies belles surprises (on reparlera de Justin Rutledge et de Jack Harris). J’allais oublier les néo-folkeux dont les pauses unplugged séduisent les radios, les télés et même les publicitaires. On n’est jamais tranquille …
À découvrir également, le Live at Passim enregistré les 30 et 31 décembre 2005 et commercialisé au bénéfice de ce club qui a tant fait pour la survie et le renouveau de la musique folk en Nouvelle Angleterre (
www.clubpassim.org pour découvrir ce lieu mythique situé en face de l’Université d’Harvard), le DVD 3000 Miles, comprenant un concert (12 titres captés live au Somerville Theater de Boston en 2001 avec Susan Werner, un road trip, des cours de guitares pour découvrir les open tunings maison d’Ellis Paul et des interviews et enfin le bouquin Notes From The Road (And The Songs I Sang There) publié par Blackwolf Press. Ouf, c’est bientôt Noël !
Jacques-Eric Legarde
À ranger entre Woody Guthrie et Shawn Colvin.